Une petite histoire de la confiture par L’Autre Saison

L’Autre Saison, atelier de fabrication de confitures artisanales situé dans l’Oise, vous raconte une petite histoire de la confiture. De l’Antiquité à nos jours, historique d’un produit qui a traversé les âges et qui, de nos jours encore, ne cesse de se réinventer sous les doigts des artisans-confiseurs et des confituriers…

Intemporelle, la confiture se savoure sur les tables françaises depuis notre plus tendre enfance. Tous, nous avons des souvenirs liés à ce mets simple, traditionnel et rustique. Véritable madeleine de Proust, il évoque les goûters d’autrefois, les cueillettes sauvages, les petits déjeuners gourmands…

Mais d’où vient la confiture ? Comment est-elle devenue ce produit de consommation courante ? Les recettes d’aujourd’hui sont-elles les mêmes que celles d’hier ? Son statut a-t-il évolué au cours des siècles ?

Lisez cet article et retrouvez les références bibliographiques en bas de page…

L’histoire de la confiture, à la recherche du sucre

L’Autre Saison en mode recherches documentaires !

L’histoire de la confiture commence dès l’Antiquité, époque à laquelle apparait ce qu’on appelle aujourd’hui la confiserie, c’est-à-dire l’idée de conserver des fruits grâce au sucre. Mais pas de sucre de betterave alors, le miel sauvage rentrant simplement dans la composition des premières gelées et des premiers fruits confits.

Plusieurs millénaires avant Jésus-Christ, on retrouve ainsi la trace de dattes, coings et autres fruits confits dans le miel, denrée alors plébiscitée par les plus aisés. Grâce au miel, ou encore au sucre de roseau, originaire de Nouvelle-Guinée et cultivé alors dans le golfe du Bengale, la saveur sucrée se développe et conquit les palais les plus fins.

Au Moyen-Âge, on trouve des préparations connues sous l’appellation de « confitures » : confitures sèches, conserves au sucre ou confitures liquides, les recettes sont diverses et réalisées essentiellement avec du miel, du sucre de raisin, puis plus tardivement avec du sucre de canne. Ce dernier, importé récemment par les Européens en quantités toujours plus importantes, arrive alors du Proche-Orient sous l’impulsion des Croisés.

De toutes les recettes européennes dont on retrouve la trace, les confitures dites liquides sont celles qui se rapprochent le plus de nos confitures actuelles, mais leur inventeur reste inconnu. Ce qui est certain, c’est que le Moyen-Âge offre une palette de saveurs liée aux conquêtes et aux voyages effectués vers le Moyen-Orient, ce qui nous pousse à penser que l’origine de nos confitures est à chercher à l’Est, aux alentours de Jérusalem…

Effectivement, c’est de retour en France que les Croisés rapportent le sucre de canne, ainsi que certains fruits qu’on imagine pourtant bien de chez nous. Aussi, la prune de Damas passe nos frontières au XIIe siècle. On dit que les moines du Sud-ouest auraient ensuite greffé leurs pruniers locaux, donnant naissance à des variétés exceptionnelles…et à nos plus traditionnelles confitures !

Aussi, si le Moyen-Orient propose alors sa confiture de rose, de cédrat et toute une palette de gelées musquées, les Français élaborent des confitures d’angélique, de violette ou d’épine-vinette. À chaque territoire sa confiture !

Dès cette époque, la confiture suscite l’engouement. On confit fruits, graines, fleurs et plantes, attribuant de nombreuses vertus médicinales à ces préparations qui rentrent dans la pharmacopée traditionnelle, soulageant déjà des maux divers, mais surtout digestifs.

La Renaissance et l’influence italienne

L’histoire de la confiture dans tous ses états…

Le XVIe siècle et les relations franco-italiennes achèvent de poser les bases de la confiserie et de la pâtisserie, ne laissant pas la confiture en reste.

Catherine de Médicis, Florentine de naissance, œuvre aux bonnes relations transalpines. Grâce au commerce vénitien alors à son apogée, elle introduit en France moult préparations salées et sucrées, dont certains fruits et légumes jusqu’alors peu connus. Citrons, melons, coings, abricots et oranges sont alors confits selon la mode italienne.

François 1er, en monarque éclairé et amateur de bonnes choses, raffole ainsi de la pâte cotignac, confiture sèche réalisée à partir de coings, dont Rabelais parle déjà dans Pantagruel et à laquelle il attribue des vertus digestives : « Si on prend du Cotignac à l’orée d’un repas, il corrobore l’estomac, aide à la digestion et garantit la tête des fumées qui montent au cerveau après le boire ».Fabriquée dans le Var et dans le Loiret, cette friandise est alors recherchée par les plus riches.

Nostradamus semble aussi l’apprécier et excelle dans cette préparation : « (…) d’une souveraine beauté, bonté, saveur et excellence, propre pour être présentée devant un roy et qui se guarde bonne longuement ». L’astrologue et médecin, dans son Excellent et moult utile opuscule, y prodigue en effet recettes et conseils culinaires, sur l’art d’accommoder et de préparer certains fruits à la manière des confitures !

Au XVIIe et le XVIIIe siècle, la confiture devient royale

une histoire de la confiture ...

Mais c’est le XVIIe siècle qui consacre l’art des confitures. La parution d’un ouvrage de référence, Le Confiturier royal de 1681 propose à lui seul plus de 800 recettes de confitures mais ne constitue qu’un exemple de la bibliographie alors prolifique.

Chez les confiseurs, il devient possible de se procurer confitures sèches et liquides, mais il est évident que celles-ci restent un produit de luxe, aussi les ménagères continuent à les confectionner elles-mêmes avec les produits à portée de main.

On note alors l’apparition de la raisinée, confiture de raisins bien mûrs écrasés avec les doigts et réduits de deux tiers sur le feu. On savoure les confitures d’anis, le fameux cotignac d’Orléans a toujours la cote, et on fait grand cas des abricots confits de Clermont et des gelées de fleurs.

Au XVIIIe siècle, rue des Lombards à Paris, les plus grands confiseurs rivalisent ainsi de préciosité dans l’appellation de leurs boutiques, entrainant dans leur sillage des myriades de gourmands aisés qui se précipitent À la pomme d’or, Au fidèle berger, ou Au Grand Monarque

Du XIXe au XXIe siècle, la confiture entre ère industrielle et tradition

En 1811, c’est un banquier français propriétaire d’une usine, Benjamin Delessert, qui met au point un procédé pour extraire le sucre de la betterave, faisant de la France le premier exportateur de sucre de betterave en Europe. Dès 1575, Olivier de Serres, agronome français renommé, mentionne déjà la forte teneur en sucre de certaines variétés de betteraves, mais c’est sous Napoléon que ce sucre devient le plus consommé, comme il l’est encore aujourd’hui.

Dès lors et jusqu’à nos jours, la confiture ne cesse de séduire. L’industrialisation des procédés de fabrication démocratise alors sa distribution.

Aujourd’hui, on identifie un retour aux recettes traditionnelles, sans additifs ni conservateurs. Celles-ci mettent en valeur les fruits de saison de qualité, loin des recettes élaborées par les industriels, leaders du marché.

L’Autre Saison témoigne aujourd’hui de cette histoire riche et foisonnante, et c’est aussi en puisant dans les recettes du passé, d’Europe et d’ailleurs, que de succulentes et originales recettes voient ainsi le jour, dignes héritières d’une tradition séculaire en perpétuel mouvement.

Bibliographie :

Stéphane Hénaut et Jeni Mitchell, L’Histoire de France à pleines dents, Flammarion, 2018, Paris, page 138.

S. G. Sender et Marcel Derrien, La Grande Histoire de la pâtisserie-confiserie française, 2003, Minerva, Genève, pages 54, 79, 103-104, 137.

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Isabelle Gicquel

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